Société d'études historiques et archéologiques du Goëlo

 Le Goëlo

Tour à tour un « pagus » (subdivision administrative) de la Domnonée bretonne au haut Moyen-Âge, archidiaconé de l’ancien évêché de Saint-Brieuc et comté à la vie tumultueuse, jusqu’à la Révolution, le Goëlo a traversé les âges et fait aujourd’hui pleinement parti du patrimoine vernaculaire, malgré la disparition de toutes entités administratives ou religieuses correspondant à son territoire.

Le nom Goëlo (Bro-Oueloù en breton) viendrait de terme Velamensis ou  Velaviensis  cité dans le Vie de saint Guénolé écrite vers 860.  Selon Ronan Le Coadic (Ar Falz n° 63, 1988) la racine WELAW donne en celtique ancien GWELL qui signifie « Bon choix ». C’était aussi l’avis de Léon Fleuriot.  Bro Goëlo, aurait donc le sens de « pays bien choisi »

Son territoire a évolué. Le pagus aurait été délimité à l’ouest par le Leff et l’estuaire du Trieux, à l’est par la mer et au sud par le Gouët. L’archidiaconé comprenait en plus la région de Loudéac. Le comté du Goëlo comprenait quant à lui une partie de l’évêché de Tréguier. Le Goëlo comprend aujourd’hui, les cantons de Paimpol, Lanvollon, Plouha, Pontrieux, Plouagat, Châtelaudren, Étables-sur-Mer et les communes de Binic, Pordic, Plérin et Trémuson.

 

Un Pagus de la Domnonée bretonne

En 1944, René Couffon publie une étude sur Les Pagi de la Domnonée au XIème siècle dans laquelle il précise que  « Le pagus Goëlo est une unité territoriale parfaitement délimitée. C’est le plateau compris entre le Leff, le bas cours du Trieux, la mer et le Gouet. La toponymie a d’ailleurs conservé, au cours des siècles, plusieurs traces de ces limites les mats ou mettes de Goëlo au nord de la baie de Paimpol, le passage de Goëlo en Trecor sur le Trieux entre les chapelles de Saint-Julien I’Hospitalier en Plounez et celle de Saint- Christophe en Pleumeur-Gautier actuellement pont de Lézardrieux), les ponts de Goëlo à Châtelaudren ». 

Cette affirmation n’est pas remise en cause par André-Yves Bourgès dans son article intitulé Du Trieux au Leff: Toponymie et peuplement publié en 1990 dans les Mémoires de la Société d’Emulation des Côtes-du-Nord dans lequel il avance l’hypothèse selon laquelle le territoire entre le Leff et le Trieux correspondrait à un ancien pagus nommé Kemenet.

 

L’archidiaconé du Goëlo

Tous les historiens s’accordent à dire que, sous l’Ancien régime, l’évêché de Saint Brieuc était divisé en deux archidiaconés : Goëlo et Penthièvre. Mais l’étendue respective de ceux-ci pose question.

Selon Aurélien de Courson  (Cartulaire de l’Abbaye de Redon en Bretagne) « L’archidiaconé de Goëllo moins vaste que la seigneurie de ce nom laquelle s étendait dans le pays trécorois était limité à l’ouest par le Leff et le Trieuc (sic) qui le séparaient de l’évêché de Tréguer puis au dessous de Quintin par le cours de l’Oust qui servait de frontière aux diocèses de Quimper et de Vannes. La partie méridionale de l’archidiaconé s’allongeait en pointe jusqu’à la jonction du Lié avec l’Oust.  Le Lié qui dessinait en partie la limite orientale embrassait dans ses sinuosités la paroisse d’Allineuc et sa trêve l’Hermitage et laissant Lanfains en dehors du côté du Penthièvre, il allait rejoindre le cours du Gouët  jusqu’à la mer qui formait la limite naturelle du Goëllo en remontant vers le nord. »

Selon lui, l’archidiaconé de Goëlo comprendrait les paroisses suivantes : Allineuc et l’Hermitage sa trêve, Bréand, Loudéac, Cadélac, Cohiniac, Étables, La Méaugon, Lantic, Lannebert, La Prénessaye, Le Fœil, Loudéac avec Grâces et La Motte ses trêves, Plaine Haute, Pléguien, Pléhédel, Plélo, Plérin, Plerneuf, Ploubazlanec, Plouézec , Plouha, Plounez  et Paimpol sa trêve, Plourhan, Plourivo, Plouvara, Pludual, Pordic, Quintin, Saint Thuriau, Saint Donan, Saint Maudan, Saint Samson, Saint Thélo, Saint Thuriau de Quintin, Trégomeur, Tréguidel, Tréméloir, Tréméven, Trémuson, Tressignaux, Trévé, Tréveneuc, Uzel, Yvias.

Remarquons que les paroisses suivantes ne sont pas citées car elles dépendaient de l’évêché de Dol : Bréhat, Kérity, Lanloup et sa trève de Lanleff, Lanvollon, Perros-Hamon et ses trèves de Lanvignec et Lannevez, Saint-Quay.

Stéphane Morin précise quant à lui dans son livre Trégor, Goëlo, Penthièvre. Le pouvoir des Comtes de Bretagne du XIe au XIIIe siècle publié en 2010, « En 1206, l’archidiaconé de Goëlo était divisé en (2) doyennés dont un de Goëlo. Quoi qu’il en soit, même si l’archidiaconé de Goëlo concentrait l’essentiel de Goloia, celui-ci comprenait également le Quintinia, ressort du château de Quintin, qui devait être plus ou moins à cheval sur les archidiaconés de Goëlo et de Penthièvre voire s’étendre dans le diocèse de Quimper »

La carte (ci-contre) qu’Erwan Vallerie publie dans son livre Communes bretonnes et paroisses d’Armorique (Ed. Beltan, 1986) montre plus surement le doyenné du Goëlo, délimité par le Trieux, Le Leff et le Gouët. Les paroisses en noir relevaient du diocèse de Dol.

 

Le Goëlo féodal

C’est au XIIIème siècle, sous la suzeraineté du comte Henri Ier d’Avaugour (+1181) que le Goëlo devient une véritable entité historique. Le comté du Goëlo est en effet né du démembrement par confiscation du vaste territoire s’étendant du pays de Dol à la rivière de Morlaix qui fut originellement attribués en 1034 par le duc Alain Ill  à son frère cadet, Eudes, comte de Bretagne, fondateur de la dynastie des eudonides.

Les confiscations de 1166 et 1222

La première eut lieu en 1166 lorsque le duc Conan IV confisque le Trégor à son oncle, Henri I et ne lui laisse que le Goëlo. Elle ne dura cependant que peu de temps car Henri I récupérera ses possessions à la mort de Conan IV en 1171. Son fils garde titre et domaine sous le nom d’Alain I (+1212) connu comme fondateur de l’Abbaye de Beauport (1202).

La seconde eut lieu en 1222 lorsque le duc Pierre Mauclerc confisque les biens d’Henri II (1205-1281), fils d’Alain I en ne lui laissant que le comté du Goëlo. Le jeune Henri prend alors le nom d’un modeste château de Plésidy : Avaugour.

Géographiquement il se présente sous la forme d’un triangle dont les limites ouest suivent une partie du cours du Trieux en évitant Guingamp, remontent à partir de Saint-Connan, Senven-Léhart vers Plérin pour buter ensuite sur le littoral de la Manche. Il est de ce fait est plus étendu que l’ancien Pagus Wello.

 

 

La confiscation de 1425

Le comté restera dans la famille des Eudonides jusqu’en 1425. L’ensemble de leur bien est en effet confisqué à l’issue de complot de Champtoceaux qui voit Marguerite de Clisson, comtesse douairière de Penthièvre arrêter et détenir le duc Jean V (1389-1442) pendant 3 mois.

Le Goëlo se voit partagé entre de nouveaux propriétaires.

Le comté du Goëlo, composé des cinq châtellenies de Châtelaudren, Châteaulin-du-Trieux, Lanvollon, Paimpol, et de la Roche-Derrien va au frère du duc, le comte Arthur de Bretagne (1393-1458) qui sera duc de Bretagne en 1457 et 1458 sous le nom d’Arthur III. Il ne gardera pas Bréhat qu’il donnera à sa fille Jacquette.

Les autres pièces du Comté vont être distribuées par Jean V à d’autres fidèles qui l’ont soutenu dans ses moments d’infortune :

  • Son valet de chambre Pierre Eder et son secrétaire Pierre Yvette reçoivent respectivement Plouagat et Plouvara. Tréveneuc va à la famille Chrétien en vogue à la cour ducale
  • Le Sire de Rieux reçoit dans le Goëlo les seigneuries de Perros et Ploubazlanec. Au sire de Châteaubriant sont attribués Plérin, Pordic, Etables, Trégomeur et Plélo. Le petit fief de Plésidy Goëlo, berceau des Avaugour, est donné à Jean de Kerouzéré, familier du Duc.
  • La seigneurie de Plouha ainsi que les paroisses de Plouézec, Yvias et Plourivo entrent dans le patrimoine du vicomte Alain de Rohan, cousin du Duc.
  • La Vicomté de Pléhédel est donné pour la plus grande part au seigneur de la Feuillée époux de Catherine de Coëtmen.

 

Restitution de 1450 puis nouvelle confiscation

Le successeur de Marguerite de Clisson, Jehan de Blois, sire de Laigle, bien en cour près du Roi de France, Charles VI, et grâce à l’intervention du fils du Comte Arthur, seigneur du Goëlo, obtient alors l’annulation de l’arrêt prononcé contre sa famille. En 1450, il retrouve la suzeraineté sur le Penthièvre, morcelé certes (le Goëlo redessiné en 1420 en fait partie) mais toujours prestigieux domaine à l’intérieur du Duché.

A la mort de Jehan (1452), le Comté du Penthièvre revient à sa nièce Nicolle. C’est à ce moment que le jeune duc François II se lance à l’assaut de la royauté en créant la ligue du Bien Public : Nicolle et son mari Jean de Brosse ne le suivent pas. La sanction du Duc ne se fait pas attendre et le Comté de Penthièvre est une nouvelle fois confisqué.

Nicolle tente d’en obtenir la restitution dans le cadre du traité de Saint-Maur (1465) qui met fin à la guerre du « Bien Public » mais François laisse traîner les choses si bien qu’en 1479 les de Brosse vendent au Roi Louis XI pour 50 000 livres tous leurs droits sur la Bretagne – avec promesse de rentrer en possession du Penthièvre dès que le Roi sera maître du Duché.

 

La Baronnie d’Avaugour  – 1480

Bien sûr, le Goëlo lui aussi oscille au gré de ces allers et retours. Cependant il va honorablement se détacher du Penthièvre en 1480, par une décision du duc François II qui, après accords des États de Bretagne publiés et reçus au Parlement général de Vannes le 27 mars 1483 va créer une « première » baronnie qui portera un nom que nous connaissons bien : ce sera la baronnie d’Avaugour. Cette décision est avant tout familiale car la baronnie est créée tout exprès pour un fils naturel que le Duc a eu d’Antoinette de Maiguelais, dame de Villequier.

François de Bretagne, le nouveau baron, est marié à Madeleine de Brosse, descendante lointaine de Jeanne de Penthièvre et de Charles de Blois donc issue de la branche des Avaugour. La baronnie ne trahit pas son illustre nom. François de Bretagne était déjà Comte de Vertus, sire de Clisson et de Cholet : il sera, de même que ses descendants, baron d’Avaugour, comte de Vertus et de Goëlo jusqu’à la Révolution de 1789.